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27
Juin

L’entrepreneur et les délais de paiement d’extras

Les réclamations pour travaux supplémentaires, communément appelés EXTRAS, sont inévitablement un sujet de discorde entre l’entrepreneur et son client. Pourtant, dans un projet de construction, il y a assurément des changements. Il est d’ailleurs prévu, dans la majorité des contrats de construction, des méthodes de gestion pour les changements en cours de travaux. 

Pour tous les travaux de nature public, le mécanisme d’un changement est défini par le règlement sur les contrats de construction des organismes publics C-65.1, r. 5.

SECTION I

ORDRE DE CHANGEMENT

44. L’organisme public peut apporter des changements aux travaux en délivrant un ordre de changement.

D. 532-2008, a. 44.

45. La valeur d’un changement est déterminée comme suit:
1°  estimation, négociation et acceptation d’un prix forfaitaire ventilé qui tient compte, pour les frais généraux, les frais d’administration et les profits de l’entrepreneur, du pourcentage de majoration indiqué, selon le cas, au sous-paragraphe a ou b du paragraphe 3;
2°  lorsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire, application des prix unitaires mentionnés au contrat ou convenus par la suite;
3°  lorsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire ou par prix unitaires, cumul du coût de la main-d’oeuvre, des matériaux et de l’équipement liés au changement majoré selon les proportions suivantes:
a)  lorsque les travaux sont exécutés par l’entrepreneur: 15%;
b)  lorsque les travaux sont exécutés par un sous-traitant: 10% pour l’entrepreneur et 15% pour le sous-traitant.

Aux fins de l’application du paragraphe 3 du premier alinéa, le coût de la main-d’oeuvre, des matériaux et de l’équipement correspond aux coûts réels des éléments décrits à l’annexe 6. La majoration inclut les frais généraux, les frais d’administration et les profits de l’entrepreneur.

46. Si l’organisme public et l’entrepreneur ne peuvent, après une première négociation, s’entendre sur la valeur d’un changement, le montant estimé et ventilé du changement exigé est alors déterminé par l’organisme public et payé selon les modalités prévues au contrat.

D. 532-2008, a. 46.

47. L’entrepreneur peut dénoncer à l’organisme public par écrit un différend sur la valeur d’un changement dans les 15 jours de la délivrance de l’ordre de changement déterminant le montant du changement en application de l’article 46. Dans un tel cas, les parties doivent poursuivre les négociations comme suit:
1°  lorsqu’il s’agit d’un ouvrage se rapportant à un bâtiment, les négociations se poursuivent conformément aux articles 50 à 52;
2°  lorsqu’il s’agit d’un ouvrage de génie civil autre qu’un ouvrage se rapportant à un bâtiment, les parties doivent poursuivre les négociations en faisant appel à un gestionnaire représentant l’organisme public et à un dirigeant de l’entrepreneur, dans le but de résoudre en tout ou en partie le différend.

Si l’organisme public et l’entrepreneur ne peuvent résoudre le différend conformément au paragraphe 2 du premier alinéa, l’entrepreneur peut présenter une réclamation à l’organisme public. À défaut d’entente entre l’organisme public et l’entrepreneur, les parties conservent tous leurs droits et recours, notamment ceux prévus à l’article 54.

48. Lorsque le contrat relatif à un bâtiment comporte une dépense égale ou supérieure à 3 000 000 $ et que l’ordre de changement envisagé porte la valeur totale des changements à plus de 10% de la valeur initiale du contrat, l’organisme public ne peut émettre cet ordre de changement ni tout ordre de changement subséquent que dans la mesure où il confirme à l’entrepreneur qu’il dispose des fonds nécessaires à l’exécution du changement.

Pour les projets de nature publique octroyés au plus bas soumissionnaire conforme, les plans et devis indiquent ce qui est inclut au contrat de construction. Ces plans et devis sont tout d’abord élaborés par des professionnels; ingénieurs, architectes ou designers, selon le cas, en collaboration directe avec le client. Les documents sont examinés, puis coordonnés pour répondre le plus justement possible aux besoins élaborés par le donneur d’ouvrage. L’entrepreneur qui décroche le contrat, par appel d’offres, devrait donc partir du principe que les plans sont complets, que les validations nécessaires quant à la conformité du projet sont effectuées.  Il apparaît donc évident de déterminer ce qui n’est pas prévu au contrat de base.

Tout changement demandé par le propriétaire en cours de travaux répond facilement à la définition d’un extra. Mais qu’en est-il des omissions lors de l’élaboration des plans ou des erreurs de conception qui doivent aussi être payés et dans quel délai est-il raisonnable de l’être?

Bien que le mécanisme du changement soit établi par le règlement pour les contrats de construction des organismes publics, la réalité est parfois très différente. Souvent, l’entrepreneur est appelé à débuter des travaux suite à une directive dite exécutoire. C’estàdire que les travaux doivent être entrepris dès réception de la directive. Le tout sans entente quant au réajustement de prix et au délai d’exécution. Donc, après avoir soumis le prix pour cette directive, le professionnel qui doit faire la recommandation peut y consacrer tout le temps qu’il y juge nécessaire. Un délai raisonnable est demandé, mais la définition de ce mot semble très élastique

De plus, il ne faut pas oublier qu’il s’agit souvent du même professionnel qui a réalisé les plans en période d’appel d’offres qui doit émettre ses commentaires suite à la présentation du montant en extra. D’un point de vu complètement objectif, il est clair que le professionnel paraîtra mieux en diminuant les coûts réclamés au minimum afin de conserver ses relations avec son client. Et ce, souvent au détriment des coûts réels émanant de la demande faite par l’entrepreneur. 

Après s’être entendu sur le prix de réajustement du contrat, plusieurs semaines plus tard dans certains cas, le client, via son professionnel, émet un ordre de changement. Ce même ordre de changement devra être signé par tous les intervenants puis, finalement, par le client lui-même. Obtenir une signature de la part du représentant autorisé du client peut être extrêmement laborieux. C’est seulement suite à la signature de l’ordre de changement par le client que l’entrepreneur obtient la permission de soumettre la facturation y étant relié.

Par exemple, il n’est pas rare que des travaux soient effectués au début du mois de février, que le professionnel recommande les coûts, après négociation, à la fin du mois de mars. Et que finalement on obtienne la signature du client au milieu du mois d’avril. Pour ensuite pouvoir soumettre la facturation à la fin de ce mois et être payé dans les 60 jours suivants. En tout, on parle ici de 5 à 6 mois de délais pour des travaux effectués en toute bonne foi afin de faire avancer le projet.

Plusieurs projets pilotes sont en cours afin de faciliter les paiements dans l’industrie de la construction. Le projet pilote de règlement vise essentiellement à tester deux éléments principaux, soit le calendrier de paiement obligatoire et un mode de règlement des différends plus rapide, avec le recours à un intervenant expert. Hors, nous voyons très mal en quoi l’intervention d’un expert, qui devient tout simplement un intervenant supplémentaire dans le processus, améliorera les délais de paiement dans le cas des extras. De plus, il nous apparaît évident que l’entrepreneur se retrouvera toujours à devoir payer l’intervenant expert lors d’un litige pour des sommes tout à fait légitimes qui lui sont dues. 

Nous attendons avec intérêt les conclusions de ces fameux projets pilotes. Si nos prédictions se réalisent, et que la situation demeure la même dans l’avenir, il serait peut-être judicieux que les grands donneurs d’ouvrages consultent les entrepreneurs pour élaborer un système plus efficace.

 

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